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Contexte

Les décisions d’aujourd’hui concernant les ouvrages marins pèseront considérablement dans les impacts économiques et environnementaux de demain, car, avec des durées de vies longues, l’inertie est importante : la durabilité effective de ces ouvrages, très dépendante des choix de départ, jouera sur les opérations d’entretien (importance, fréquence), qui ellesmêmes induiront des coûts de maintenance et des impacts environnementaux. Il est donc important de réfléchir aux choix de conception en ayant une vision sur le cycle de vie.

L'approche conventionnelle de la conception pour la durabilité des structures en béton armé en milieu marin est aujourd'hui normative. Il en résulte des constituants, des proportions des matériaux, des pratiques de construction, et des épaisseurs d’enrobage définis en fonction de classes d'exposition. Cette approche normalisée est prescriptive car la durée de vie est une durée certifiée par les normes si les conditions requises par celles-ci sont respectées. Cela signifie que la durée de vie n'est pas calculée, mais garantie : elle ne correspond pas à une durée de vie prédite ou réelle. Or, ces pratiques de conception soulèvent plusieurs problèmes.

Il a été montré récemment, que passer d’une logique prescriptive à une logique performancielle, permet de libérer des variables de conception pour la durabilité, aujourd’hui figées par les prescriptions normatives, comme par exemple l’épaisseur d’enrobage. Cette approche a permis de trouver des solutions prolongeant la durée de vie d’un béton soumis à la carbonatation, tout en minimisant les impacts environnementaux [Ventura et al. 2020]. Cependant, aucune étude de coûts n’a été couplée à cette approche.

Autre variable de conception, l'utilisation d’ajouts minéraux : de plus en plus courante et acceptée. En effet, la modification de la formulation du béton est un des leviers possibles pour réduire les impacts environnementaux, car la production de ciment Portland augmente considérablement l'empreinte environnementale, et notamment l’empreinte carbone mondiale : les émissions de CO2 provenant de la production de ciment représentent environ 5% des émissions mondiales de CO2 d'origine anthropique en 2016 [Le Quéré et al. 2016; US EPA 2016; Wang 2017]. Mais de nombreux résultats de recherche soulignent des performances de durabilité différentes selon les composants minéraux ajoutés au béton, sans toutefois que celles-ci soient intégrées aux prescriptions normatives. Ceci a pour conséquence que différentes formulations de béton sont considérées de manière identique par les normes dans une même classe d'exposition, bien qu'elles puissent impliquer des durées de vie réelles différentes.

Enfin, la valeur prédictive d’une approche performancielle doit reposer sur une évaluation des incertitudes liées notamment à la variabilité réelle des choix de conception, mais également du contexte d’exposition de l’ouvrage. 

Objectifs

Le but du projet ANR DEMCOM est de développer une méthode pour identifier les leviers d'action de la conception, pour améliorer et optimiser les performances globales intégrant des indicateurs environnementaux et économiques des structures marines en béton, sachant que la durée de vie pourrait aller de quelques décennies (éoliennes offshore) à plus de 100 ans (telles que les digues, les quais. La durée de vie est définie comme la période de pénétration du chlorure le béton jusqu'à ce que le front de pénétration atteigne l’armature et déclenche le démarrage de la corrosion. La tâche 4 de ce projet ANR, dans laquelle s’inscrit cette thèse, doit conduire au développement d’une méthode et d’un programme numérique, pour permettre de rechercher des solutions sur le cycle de vie, basées à la fois sur des indicateurs de durée de vie maximale, d'impacts environnementaux minimums, ainsi que sur les conséquences possibles des coûts pour les différentes parties prenantes.

Pour cela, il faut disposer d’un modèle intégré permettant d’évaluer, sur le cycle de vie des ouvrages, l'influence des variables de conception du béton armé en milieu marin, sur la durabilité réelle, les coûts d’investissement et de maintenance, ainsi que sur les impacts environnementaux, au regard des incertitudes générées par un contexte d’exposition donné. Ce modèle sera développé sur la base des cadres méthodologiques de l’Analyse de Cycle de Vie environnementale (ACV-Env), et de l’Analyse de Coûts de Cycle de Vie (ACV-Eco).

Le(la) doctorant(e) devra d'abord effectuer une analyse documentaire sur chaque sujet (durabilité, ACV-Env et ACV-Eco) séparément, ainsi que sur les modèles combinés existants. L'examen portera également sur les aspects méthodologiques de la combinaison de l'ACV-Env et de l'ACV-Eco, en considérant l'éventuelle (in)homogénéité des deux méthodes et les améliorations possibles afin de les intégrer, notamment en ce qui concerne les indicateurs et les coûts pour les différents acteurs concernés par le projet.

Une deuxième tâche de la thèse sera de collecter des données et de définir des scénarios possibles afin de les intégrer dans le modèle. Les modèles prédictifs de durabilité développés à partir de la tâche 3 du projet ANR DEMCOM, fourniront la chronologie d’entretien, c’est-àdire les dates où la structure nécessitera des opérations de maintenance. En plus des modèles de durabilité prédictifs, l’approche Cycle de Vie couplée (ACV-Env et ACV-Eco) nécessitera le développement d'un diagramme décisionnel définissant toutes les opérations et politiques de maintenance possibles et leurs relations. Ce diagramme doit refléter toutes les possibilités offertes à l'ingénieur concepteur de structures nouvelles ou existantes construites en milieu marin.

Ensuite, le développement du modèle sera effectué à l'aide du logiciel Brightway (langage Python), car il s’agit d’un programme open source d’Analyse de Cycle de Vie qui offre la possibilité d’y coupler les autres codes de calculs.

Enfin, une combinaison des deux méthodes d'analyse de sensibilité de Morris et de Sobol sera appliquée pour identifier les paramètres les plus influents, appelés leviers d'action, sur les indicateurs d'ACV-Env et ACV-Eco (notamment le changement climatique), en plus des indicateurs de durabilité, et de leur degré de significativité au regard des incertitudes liées au contexte d’exposition [Ta et al. 2018, Senga Kiessé et al. 2020]. 13 Des scénarios issus de cette analyse seront produits en fixant les leviers d’action à leurs valeurs les plus favorables en termes de durabilité, indicateurs ACV-Eco et ACV-Env. Les résultats seront comparés aux méthodes prescriptives basées sur les normes.

Les connaissances et l'expérience de Bouygues Travaux Publics, partenaire du projet ANR DEMCOM, viendront enrichir les différentes analyses obtenues au cours du projet. A l'avenir, la méthode pourrait déboucher sur un outil ou être intégrée dans les outils de conception de structures existants, utilisables par les entreprises de construction pour concevoir de nouvelles structures en béton ou pour définir des stratégies de maintenance en tenant compte des impacts environnementaux, et notamment du changement climatique. En définissant le contexte d'utilisation et les conditions d'environnement, la méthode développée pourra fournir des solutions possibles pour améliorer à la fois la durabilité, la performance économique et les impacts environnementaux.

Profil recherché

Nous recherchons un étudiant ayant du goût pour la modélisation et la programmation en général, et des connaissances sur les modèles de durabilité des matériaux cimentaires. Une ou plusieurs expériences de programmation avec Python sont souhaitées. Un bon niveau d’anglais est exigé. Une expérience dans l’Analyse de Cycle de Vie et/ou le calcul de coûts est un plus appréciable.

Pour postuler, remplissez le questionnaire au lien ci-dessous avant le 28 mars 2021 :
https://surveys.ifsttar.fr/limesurvey/index.php/663336?lang=fr